III

INITIATIONS ET RITUELS

 

 

Les récits mythologiques constituent un support pour les croyances d’un peuple, au même titre que les Évangiles pour les Églises chrétiennes. Facilement racontables, intelligibles au premier degré parce que concrets, susceptibles d’être interprétés pour une lecture plus profonde, ils sont des repères indispensables de la vie religieuse. Mais ils expriment aussi, de façon narrative, presque romanesque, un certain nombre de rituels qui, à l’origine, sont vécus comme des représentations dramatiques. Toute œuvre théâtrale a quelque chose de sacré. Toute représentation théâtrale met en jeu une action dramatique dont les schèmes appartiennent au mythe qu’elle incarne et matérialise. La Tragédie grecque a gardé quelque chose des rituels religieux plus anciens, ne serait-ce que la notion de sacrifice, et la comédie elle-même, par son aspect dérisoire, met en valeur des archétypes cultuels. Il en est de même partout dans le monde. La messe catholique est une représentation dramatique, et toute représentation dramatique est un jeu sacré analogue à la messe catholique. Mais quand une religion perd son rituel, soit que ce rituel s’affaiblisse, comme c’est le cas actuellement dans les Églises catholiques, soit que la religion elle-même ait disparu, la représentation dramatique devient profane ou se réfugie dans une narration descriptive[196]. C’est ce qui est arrivé pour les Celtes. La religion druidique n’étant plus pratiquée, le culte, qui n’était plus qu’un souvenir, est devenu un objet de curiosité, une chose du temps passé, voire une superstition des naïfs ancêtres[197]. On a donc raconté les pratiques rituelles, en les déformant souvent d’ailleurs, au lieu de les vivre, et ces « contes » se sont intégrés tout naturellement aux anciens récits à structures mythologiques. C’est, pour une bonne part, l’origine de l’épopée, tant héroïque que mythologique.

Il importe donc d’apporter la plus grande attention à ces récits mythologiques si l’on veut essayer de discerner les grandes lignes du culte druidique, car les témoignages historiques sont rares et l’apport archéologique à peu près nul. Il ne s’agit pas, bien entendu, de prendre tout à la lettre, notamment à propos des guerres inexpiables, des combats fantastiques et aussi des sacrifices humains. La plupart de ces récits ont été, sinon composés, du moins transcrits – et souvent retouchés – par des clercs soucieux d’affirmer, parfois a contrario, la grandeur et la primauté du christianisme. Mais tels qu’ils sont, les récits irlandais, gallois et arthuriens sont des documents. À nous de les analyser de façon critique, en les confrontant à l’histoire et à l’archéologie.